
Dans le cadre de l’attribution de la prime exceptionnelle Covid-19, l’établissement s’interroge quant aux règles d’abattement applicables aux agents ayant bénéficié d’autorisations spéciales d’absence (ASA).
Dans la mesure où les textes prévoient que les absences sont calculées en jours calendaires, et non en jours ouvrés, les repos hebdomadaires doivent-ils être comptabilisés comme « absences » pour le versement de la prime ?
Eu égard à la finalité du service REPONSE EXPERT, nous procédons exclusivement à la communication d’information juridique en lien avec la problématique énoncée.
Réponse
Le Décret n°2020-568 du 14 mai 2020 a institué une prime exceptionnelle au bénéfice des agents présents en établissement public de santé durant la crise sanitaire, dans le but de reconnaître leur forte mobilisation et leur participation à la gestion de l’épidémie de Covid-19.1
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Condition d’éligibilité (art.2) :
La prime est versée aux personnels qui ont exercé leurs fonctions de manière effective entre le 1er mars et le 30 avril 2020 (télétravail inclus).
Une condition supplémentaire est également prévue à l’égard des agents contractuels et des personnels médicaux, subordonnant leur éligibilité à la prime à une condition d’exercice effectif des fonctions sur cette période de référence (respectivement, au moins 30 jours calendaires équivalents à un temps plein, et au moins 5 demi-journées par semaine en moyenne).
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Règles d’abattement (art.6) :
Le montant de la prime exceptionnelle est réduit de 50% en cas d’absence d’au moins 15 jours calendaires du 1er mars au 30 avril 2020.
Ne sont pas éligibles au versement de la prime les agents absents plus de 30 jours calendaires au cours de cette même période de référence.
L’absence est constituée par tout autre motif que :
- les congés de maladie et congés pour accident de travail/maladie professionnelle, s’il y a
présomption d’imputabilité au virus Covid-19 ; - les congés annuels (CA) et les congés au titre de la réduction du temps de travail (RTT).
La formulation retenue à l’article 6 du Décret laisse entendre que les motifs d’absence n’entrainant pas d’abattement sont d’interprétation stricte (liste limitative) sans préciser davantage ce qui doit être considéré comme un jour d’ « absence » ou non.
Par interprétation littérale, il peut donc être déduit que :
- Les jours calendaires correspondent à tous les jours de la semaine, y compris le dimanche et les jours fériés ;
- Les agents ayant bénéficié d’ASA doivent, en théorie, se voir comptabiliser une absence entraînant abattement.
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Quid des repos hebdomadaires ?
Les établissements sont soumis à des obligations règlementaires en matière de temps de travail. L’octroi de jours de repos constitue une obligation, à laquelle l’employeur public ne saurait déroger.
La réglementation prévoit ainsi que les agents bénéficient d’un nombre de jours de repos fixé à 4 jours pour 2 semaines, 2 au moins étant consécutifs, dont un dimanche (art. 6 du Décret n°2002-9).
En application de cette règle, les agents ayant exercé leurs fonctions du 1er mars au 30 avril auront donc nécessairement bénéficié d’au moins 16 jours de repos hebdomadaires (période de référence de 60 jours, répartis sur 8 semaines et demi).
Or, retenir une interprétation littérale du calcul des absences en jours calendaires conduirait donc, de facto, à réduire de moitié le montant de la prime de chaque agent, du seul fait de la prise de jours de repos.
En conséquence, les jours de repos ne sauraient être systématiquement comptabilisés dans les absences entrainant un abattement sur le montant de la prime, puisqu’il s’agit d’un repos prévu par la règlementation et, surtout, que l’application stricte de la règle d’abattement à ces repos viderait le texte de sa substance.
L’emploi de la terminologie « jours calendaires » par le pouvoir réglementaire prête donc à confusion à cet égard. À notre sens, cette formulation signifie davantage que la comptabilisation des absences comprend les jours de repos inclus dans une période d’absence (décompte de date à date sur une période d’absence continue).
Pour illustration : un agent est placé en ASA du lundi 30 mars au dimanche 19 avril. Sont comptabilisés 21 jours d’absence sur la période d’absence continue, premier et dernier jours inclus, sans qu’il y ait lieu d’exclure le jour férié (lundi de Pâques) et les 6 repos hebdomadaires.
Pour rappel, le Conseil d’Etat avait déjà dégagé une telle règle en matière de décompte des abattements à opérer sur la prime de service lors d’un congé de maladie : 1/140e par journée comprise entre le premier et le dernier jour d’absence, sans exclure des abattements les jours de repos et les jours fériés inclus dans cette période d’absence (CE, 27 avril 2007, n° 287582).
NOTA BENE : cette interprétation semble également être celle partagée par la FHF, cette dernière indiquant qu’un « fonctionnaire en ASA pour garde d’enfant du 13 au 23 mars (11 jours), puis en arrêt maladie non imputable au COVID-19 du 20 au 23 avril (4 jours) voit sa prime réduite de moitié. »
Les repos hebdomadaires inclus dans la période d’ASA sont ainsi susceptibles d’être décomptés comme jours d’absence ; tel n’est pas le cas en revanche des autres jours de repos sur la période de référence, lesquels ne génèrent aucune absence.
Conclusion
Les absences survenues entre le 1er mars et le 30 avril 2020 peuvent entrainer un abattement de moitié sur le montant de la prime exceptionnelle Covid (à partir de 15 jours d’absence), voire priver totalement les agents du bénéfice de celle-ci (30 jours et plus d’absence).
Cependant, seuls les repos hebdomadaires compris dans une période d’absence continue peuvent être pris en compte comme une « absence » (sauf périodes d’absence résultant d’arrêts maladies présumés imputables au virus, congés annuels ou RTT).
En effet, en dehors de cette situation spécifique, comptabiliser ces repos comme une « absence » conduirait à ce qu’aucun agent ne puisse prétendre à l’intégralité du montant de la prime (la période du 1er mars au 30 avril comprend 16 repos hebdomadaires : en théorie, 16 jours d’absence devraient alors être décomptés d’office à tout agent si la règle de calcul en jours calendaires prévue par le décret était strictement appliquée).
De manière générale, il y a lieu de souligner que la prime exceptionnelle Covid constitue un dispositif récent, sur lequel la jurisprudence n’a pas encore été amenée à se prononcer. L’interprétation du juge administratif ou, à tout le moins, celle de la DGOS restent ainsi attendues sur plusieurs points liés à l’octroi de cette prime, notamment la présomption d’imputabilité (lien de causalité direct ou indirect entre l’arrêt maladie et le coronavirus) ainsi que les règles de computation des délais et décompte des absences.
1 S’agissant des personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux, cette prime est encadrée par le Décret n° 2 2020-711 du 12 juin 2020.
Textes de référence
Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, article 11 ;
- Décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- Décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l’Institution nationale des invalides dans le cadre de l’épidémie de covid-19.
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