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Après deux mois de vigilance et de mobilisation accrues pour préserver les résidents de l’épidémie du COVID19, les professionnels des EHPAD et des résidences autonomie (RA) sont fatigués physiquement et psychologiquement. Alors que le personnel prend soin de nos aînés, qui prend soin de lui ? En partant de ce constat et pour répondre à ce besoin urgent, Arpavie, groupe associatif à but non lucratif, a élaboré et déployé grâce au soutien de l’Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice (ISRP) et de l’Association Psychomotricité et Psychotraumatisme (APP), un projet destiné à ses collaborateurs : le projet « Prendre soin de vous ».

Une démarche Qualité de Vie au Travail

À l’origine de ce projet, Barbara Carillon, responsable du pôle projets innovation chez Arpavie : « Pendant la crise, j’ai été missionnée en renfort dans un Ehpad du groupe. Dans un premier temps, mon rôle a été d’identifier les besoins et de proposer des actions pour y répondre. En échangeant avec la direction et le personnel, j’ai rapidement perçue une fatigue importante au sein des équipes. Les mois de mars et avril ont été très intenses, stressants et anxiogènes. Toute l’organisation et la logistique ont dû être repensées pour protéger les résidents, continuer à assurer un accompagnement de qualité tout en s’adaptant continuellement aux recommandations gouvernementales. Tous les repères ont été chamboulés. »

Durant ses observations, l’ancien métier de Barbara, psychomotricienne dans un Ehpad, prend rapidement le dessus : « J’ai senti qu’il y avait urgence, à la fois pour le personnel mais aussi pour les résidents, sensibles au climat ambiant. J’ai donc proposé à la direction d’organiser un sas de détente pour les professionnels, « une bulle bien-être », et d’animer des séances hebdomadaires, notamment de relaxation, de gymnastique douce pour ceux qui le souhaitaient. »

« L’idée était de ne pas imposer une activité en particulier mais de proposer une médiation en partant des besoins et des envies de chacun » précise Barbara « Certaines personnes ressentaient le besoin d’échanger, d’autres souhaitaient se détendre avec une séance de relaxation ou bien prendre un temps pour soi en participant à une séance de maquillage. »
En pleine crise sanitaire, la mise en place d’un espace de détente peut pourtant s’avérer complexe : « En tant que personne extérieure à l’établissement, j’ai dû redoubler d’attention pour adapter mes interventions aux gestes barrières. Je disposais d’une salle assez grande qui me permettait de proposer des séances individuelles ou en petit groupe tout en respectant la distanciation physique. L’ensemble du personnel, des soignants au personnel administratif en passant par la direction, pouvait s’inscrire sur un planning mis à disposition par la cadre de santé et choisir l’activité souhaitée. »

Et le succès est au rendez-vous ! « Quand j’ai proposé l’idée, je pensais que le projet allait mettre du temps à se mettre en place mais, dès la première semaine, j’ai eu 18 inscriptions, ce qui est conséquent et souligne bien le besoin ! Le personnel d’établissement a pour mission principale de veiller au bien-être quotidien des résidents. J’avais conscience qu’en proposant ce projet, cela nécessitait de faire évoluer les représentations sociales à ce sujet. Le personnel a exprimé à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’habitude de prendre du temps pour lui car le besoin du résident primait. Mais comment prendre soin de l’autre si l’on ne prend pas soin de soi ? Cette problématique est très peu abordée en France. Cette crise sanitaire a mise en exergue l’importance d’intégrer cette notion dans les métiers du secteur médico-social. »

Tisser des liens intergénérationnels

Face à l’engouement de ces séances, Barbara décide de déployer l’initiative sur d’autres établissements. « Pour développer et enrichir ce projet, il fallait étoffer le nombre d’intervenants. C’est pourquoi, avec une collaboratrice de la direction du réseau médico-social (Laurie-Anne Skander), nous avons contacté Monsieur Gérard Hermant, directeur général de l’ISRP (Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice) qui a tout de suite adhéré au projet. L’idée était d’associer des étudiants au projet en leur proposant d’animer ces séances au sein des résidences durant 4 à 8 semaines. Il a ainsi missionné ses équipes qui ont été réactives afin de proposer des actions à court terme dans ce contexte d’urgence. »

Pour les professionnels de la psychomotricité, le projet est innovant : « C’est la première fois que l’on intègre dans un projet Groupe du secteur médico-social, l’approche psychomotrice dans l’accompagnement du personnel d’EHPAD et de RA. Suite à ce retour d’expérience, nous nous rendons compte qu’il Il y a un vrai intérêt à les former à ce public, car je suis persuadée que la demande va se développer dans les établissements de santé, ainsi que dans les entreprises au sens large. » précise Barbara Carillon.

L’équipe projet ARPAVIE en partenariat avec l’équipe pédagogique de l’ISRP et l’association Psychomotricité et Psychotraumatisme (APP) a donc travaillé sur le projet pendant trois semaines avant de le proposer aux étudiants. « En quelques jours, nous avons eu plus de 40 réponses positives de la part des étudiants ! Pour la première phase du déploiement, nous avons pu répartir 14 stagiaires en psychomotricité sur 14 Ehpad du groupe Arpavie, en fonction de la proximité géographique. Chaque étudiant intervenait deux après-midi par semaine dans un EHPAD. En parallèle, nous avons lancé le test pour les collaborateurs du siège avec l’intervention de deux étudiantes 4 demi-journées par semaine. Nous étions deux référentes ARPAVIE à assurer la coordination du projet et la supervision en interne. Sur place, un professionnel relais accueillait l’étudiant et avait en charge de gérer le planning et la logistique. L’accompagnement pédagogique était réalisé par 2 co-coordinatrices de l’ISRP (Séverine Bekier et Anne Grisez) et par deux référentes de l’APP (Elodie Cottel et Laure Dias Da Silva) qui ont accompagné, en tant que tutrices de stage, les étudiants durant toute leur période d’intervention. »

Plus qu’une démarche QVT, “Prendre soin de vous” est un projet qui vise à développer les relations intergénérationnelles. « En parallèle, je travaillais sur le maintien du lien social pendant la crise et je trouvais intéressant de développer un vrai projet intergénérationnel au sein des Ehpad. »
Des étudiants de l’ISCOM se sont également mobilisés. Aux côtés de Granny et Charly, start-up qui met en relation des personnes âgées isolées et des étudiants autour d’un centre d’intérêt commun, ils ont organisé la campagne solidaire #UnGestePourlesEhpad au profit du projet, soutenue par PERMUTEO.  Plus de 1300€ ont été récoltés pour acheter du matériel (maquillage, crème…) aux étudiants de l’ISRP pour leurs ateliers bien-être.

Et après la crise sanitaire ?

Si le projet « Prendre soin de vous » est né pendant la crise, il a vocation à évoluer et à perdurer dans le temps. « Grâce à ce partenariat novateur entre ARPAVIE, l’ISRP et l’APP, nous sommes déjà en train de préparer l’après » ajoute Barbara Carillon. « Nous réfléchissons aux façons de le déployer sur d’autres résidences, en intégrant la visio pour pouvoir proposer ces séances à distance à l’ensemble des collaborateurs du groupe ARPAVIE. Une fois ces initiatives mises en place, une analyse de cette phase d’expérimentation, supervisée par Franck Pitteri, directeur pédagogique et scientifique de l’ISRP et Alexandrine Saint-Cast, psychomotricienne PhD, directrice masters-recherche DPC, est prévue pour élaborer un bilan de retour d’expérience. Si celui-ci s’avère positif, Nathalie Bargel, responsable du pôle développement des ressources humaines d’ARPAVIE, va étudier les différentes perspectives pour intégrer ce projet dans une démarche QVT RH pérenne. »